Les professionnels du tourisme doivent bien se rendre compte que le tourisme durable n’est plus une utopie, mais une préoccupation présente et future des voyageurs.
Une étude de l’IFOP parue en juin dernier révélait que les Français voient de moins en moins l’avion (33%, -10 points), comme le moyen de transport par lequel ils voyageront dans les 10 prochaines années, tout en privilégiant le train (33%, +4).
Alors que pour certains, il y a bien une différence entre les déclarations et les actes, le comportement des clients rejoint de plus en plus les conclusions des différents sondages et études.
D’ailleurs, la semaine dernière, GreenGo a démontré que le tourisme durable représentait bien un véritable marché économique.
La start-up a réalisé une année 2023 historique, affichant une hypercroissance à faire pâlir d’envie bien des professionnels du secteur. Non seulement les clients ont été nombreux (10 000 sur un seul exercice, mais les nuitées ont été multipliées par 3 comparativement à 2022 et par plus de 5 par rapport à 2021.
« Ce fut une excellente année pour GreenGo, nous avons bien performé, à budget marketing constant.
Cette performance signifie que le tourisme durable s’ancre dans l’imaginaire des voyageurs, c’est une performance qui révèle quelque chose à l’échelle du secteur, » s’enthousiasmait alors Guillaume Jouffre.
Un exemple qui démontre bien que la problématique du tourisme durable pour percer n’est pas nécessairement une question de prix, mais bien d’offre. L’activiste Camille Etienne l’a aussi démontré lors de son passage à l’émission Quotidien, mardi 16 janvier 2024.
Camille Etienne a mis 42 h et pris 11 trains pour se rendre… en Norvège !
La militante écologiste s’est rendue en début d’année pour protester et rencontrer des personnalités publiques (ministres et politiques) norvégiennes, après le vote des parlementaires pour l’autorisation de l’exploration minière des fonds marins en Arctique.
« Nous avons essayé de faire en sorte que ce ne soit pas le cas, nous avons poussé dans ce sens.
Grâce à l’activisme, nous avons transformé le mot l’exploitation de ces fonds, par exploration. Nous avons gagné du temps. Nous parlons d’une nouvelle industrie (…) et si la Norvège se lance, alors ce serait un feu vert pour tous les autres pays, » craint Camille Etienne.
Ainsi, au lieu de commencer à draguer, forer et ravager le plancher de la mer du Nord, les compagnies minières vont dans un premier temps sonder les quantités de minerais dont regorgent les fonds marins.
Ces espaces abriteraient différentes matières premières utilisées pour la production des voitures électriques, comme le cobalt, le thallium ou encore le manganèse.
La planète a donc obtenu un sursis, mais celui-ci a été couteux en temps et en argent pour Camille Etienne.
En activiste écologiste, l’autrice de l’essai « Pour un soulèvement écologique », s’est rendue en Norvège… en train.
Trouver ce trajet loufoque devrait être une aberration, alors même que les objectifs fixés par l’Accord de Paris paraissent totalement inatteignables au regard des efforts faits par les états du monde entier, mais pour bien des voyageurs et lecteurs, mettre 42 heures pour voyager en Europe serait une hérésie.
Camille Etienne : « Que l’avion coute moins cher, c’est un choix politique »
Et pourtant, c’est bien le parti pris par la jeune femme.
« J’ai mis 42 heures pour revenir.
J’ai pris 11 trains, un flixbus… ce n’est même pas une blague. Il est super dur de rentrer en train depuis la Norvège, mais c’est possible, donc prenez le train, » a expliqué Camille Etienne.
Dans le même temps, le voyage en avion prend seulement 2h35, voire 4h20 avec une correspondance à Amsterdam.
Le gain de temps n’est pas le seul argument en faveur d’un train aérien, il aurait aussi été financier, puisque prendre 11 trains représente un réel coût financier.
« En avion, le voyage aurait couté 10 fois moins cher, je sais, » a-t-elle commenté.
Et l’activiste de couper le présentateur, lui expliquant que cet avion a volé, même sans l’approbation, ni la réservation de la militante écologiste.
« C’est un mauvais argument.
Que l’avion coute moins cher, c’est le résultat d’un choix politique. Je rappelle que le kérosène est le seul carburant à ne pas être taxé, il a une niche fiscale.
Cela veut dire que l’Etat donne de l’argent pour développer l’avion et pas le train, » estime Camille Etienne.
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Clément Beaune a bien voulu résoudre cette anomalie, mais la proposition de taxer l’aérien a fait long feu. Finalement le projet de loi de finances 2024 a détourné le sujet, en instaurant une taxe à l’encontre des grands aéroports, impactant seulement une petite partie des compagnies aériennes, tout en épargnant une majorité de low cost.
D’ailleurs l’activiste a mis en ligne une pétition pour protester contre cette impunité accordée au kérosène et donc à l’aérien. En quelques mois, l’initiative a rassemblé 98 788 signatures sur les 100 000 escomptées.
Camille Etienne : « se permettre un tel trajet est un signal très fort »
Au-delà des actions et des mots, un tel voyage a valeur d’exemple pour bien des personnes. C’est du moins ce qu’espère la militante écologiste.
« Je peux permettre de le faire et monter que cela peut être fun.
Quand on décide et que l’on peut se permettre de faire un tel trajet, nous envoyons un signal très fort. Voyager en train à travers l’Europe c’est possible, le tout avec peu d’émission carbone, » recadre Camille Etienne.
Son exemple démontre que malgré l’espace Shenghen et une faible distance, les capitales des deux pays sont distantes de seulement 1 341,65 km (à vol d’oiseau) et 1 770 km par la route (et bateau), le problème du tourisme durable réside principalement par un manque d’offres et de solution.
Voyager avec un faible impact sur l’environnement est possible, mais c’est une question de volonté politique, notamment sur le développement des infrastructures ferroviaires communes.
Résumer, le faible poids du tourisme durable, dans son importance économique et les décisions minimes des voyages, est une réponse simpliste au problème.
Tant que les voyageurs n’auront pas d’offres, pas d’alternatives viables, la bascule ne se fera pas, du moins dans les transports.
C’est exactement cela ! Toute est dit dans cet article et cette interview :
– changer son rapport au voyage, c’est une question de volonté mais aussi de responsabilité (j’ai l’habitude de dire qu’ayant la chance d’avoir les moyens de prendre tant l’avion que le train, j’ai la responsabilité plus que quiconque de donner l’exemple)
– le prix des billets d’avion et du kérosène, c’est une hérésie politique. En parallèle, les solutions de mobilité doivent impérativement être développées et améliorées, de même que les conditions d’accès aux transports alternatifs
Développer de nouvelles technologies autour de l’avion, d’accord, mais il ne faut pas décorréler ces développements de la nécessaire réduction des vols dès maintenant, car c’est démontré, l’avion de demain… n’est pas pour demain !