En octobre, Gîtes de France Bouches-du-Rhône fêtait ses 45 ans. Un département particulièrement touristique dans lequel il était logique que la fédération s’installe rapidement. Ici comme ailleurs, le tourisme durable fait partie de l’ADN des hébergeurs. Car les Gîtes de France revendiquent « un tourisme convivial, authentique, responsable et solidaire ».
En la matière, les Bouches-du-Rhône ont servi de tremplin pour un certain nombre d’idées et ont joué un rôle de pionnier en matière de responsabilité environnementale.
Sylvie Pellegrin, aujourd’hui présidente de la fédération, n’est pas étrangère à cela, puisqu’elle est elle-même propriétaire d’hébergements durables à Lambesc, dans les Bouches-du-Rhône, depuis plus de 25 ans.
Présidente depuis 2019 – renouvelée en 2022, elle revient avec nous sur le rôle des Bouches-du-Rhône, leur actualité, mais aussi plus globalement sur la politique nationale de la fédération.
Réservations : « on sent nettement le rapport à la météo et au climat »
TourMag : La fédération Gîtes de France se félicite d’une forte augmentation du nombre de membres (plus de 110 agréments de nouveaux hébergements en 2023, soit le double par rapport à 2022) est-ce le cas aussi dans les Bouches-du-Rhône ? On parle beaucoup de néoruraux, est-ce qu’ils grossissent les rangs ?
Sylvie Pellegrin : Dans les Bouches-du-Rhône, on a un pourcentage relativement faible de nouveaux porteurs de projets, c’est-à-dire de personnes qui viennent de racheter ou de retaper un lieu pour en faire un gîte. La très grande majorité des personnes qui nous rejoignent sont déjà en gîtes, mais se retrouvent dans nos valeurs et souhaitent profiter de notre qualité de service, notre accompagnement et notre notoriété. Je n’y vois pas un phénomène de jeunes qui se lancent mais plutôt des gens qui sont porteurs de nos valeurs.
TourMag : La clientèle dans les Bouches-du-Rhône est-elle aussi en progression ?
Sylvie Pellegrin : Oui, en 2022, par rapport à 2021, on a près de 12 % de progression. La progression continue en 2023, mais elle est un peu moindre. Aujourd’hui, comme vous le savez, les ventes se font vraiment en dernière minute, et on sent nettement le rapport à la météo et au climat. Il a beaucoup plu en avril – mai, ce qui a freiné les réservations. En juillet, il y a eu un emballement médiatique autour de la canicule, du manque d’eau, des piscines qui ne seraient pas remplies… Cette situation a fait peur et les clients se sont reportés vers des régions plus fraîches, le Pas-de-Calais, la Bretagne. Mais c’est un épiphénomène : le mois d’aout est impeccable et on a une belle arrière-saison.
Gîtes de France : un tourisme à visage humain
TourMag : Au niveau national, on retrouve les mêmes tendances ?
Sylvie Pellegrin : Pour le coup, il y a eu une demande énorme du Pas-de-Calais, qui a fait 100 % de réservation sur l’été ! La Bretagne aussi a fait un très bon score. La tendance à la dernière minute crée des vases communicants, les vacanciers se reportent, il y a un report nord / sud permanent : s’il fait trop chaud au sud, on va dans le nord, s’il pleut dans le nord, on va dans le sud… On retrouve les mêmes tendances en hiver : s’il neige, on va à la montagne, s’il ne neige pas, on va vers la campagne.
TourmMag : C’est un tourisme à visage humain, que les vacanciers viennent chercher ?
Sylvie Pellegrin : C’est une certitude ! Je peux vous dire que sur les 42 000 propriétaires, il y a zéro boîte à clé ! Les vacanciers sont accueillis par l’habitant, il est joignable la durée du séjour. Ils le connaissent, savent qu’il vit juste à côté, que, s’ils ont besoin de le voir, il est toujours là et que s’ils ont besoin d’intimité, on respecte la volonté d’organiser les vacances comme chacun le souhaite. S’il y a des questions, si le vacancier veut des bons plans ou de bonnes adresses, le propriétaire est toujours là.
C’est notre force et notre différence, et c’est un des critères pour obtenir l’agrément Gîte de France : je peux vous dire que la personne qui me dira qu’elle n’est pas présente pour accueillir ou conseiller, elle ne sera jamais Gîte de France, même si elle a un lieu magnifique extrêmement bien situé !
Le label Ecogîte : conceptualisé dans les Bouches-du-Rhône avant le déploiement national
TourMag : Est-ce qu’on peut dire que la marque « Gîtes de France » suffit aux vacanciers pour faire leur choix ?
Sylvie Pellegrin : Oui la marque est suffisamment parlante pour que les vacanciers sachent à quoi s’attendre. Ils savent qu’ils auront un accompagnement du propriétaire. Mais ensuite, il va aller chercher plus loin. S’il veut des vacances axées nature il va se diriger vers nos gîtes Panda avec le WWF, ou bien s’il cherche un lieu responsable, son choix ira vers un écogîte. Avant, le vacancier choisissait « un gîte à la campagne« . Désormais, il choisit un gîte respectueux de la biodiversité, avec un accompagnement et une découverte… Il peut avoir bien plus que juste dans « un gîte à la campagne« .
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TourMag : Justement, ce label, Ecogîte, est né sur votre impulsion dans les Bouches-du-Rhône, au début des années 2000 ?
Sylvie Pellegrin : Oui, c’est encore la rencontre ! L’histoire de femmes et d’hommes qui se rencontrent au bon moment. Un ami ingénieur en maîtrise de l’énergie renouvelable m’a suggéré de faire une qualification des gîtes sur cette base justement. C’était très novateur à l’époque : aller vers des économies d’énergie, et prioriser des énergies renouvelables. On y a réfléchi ensemble, on a testé une grille adaptable au plus grand nombre d’hébergements.
C’est le principe chez Gîtes de France : un département a une idée, il la conceptualise et si les tests sont concluants, elle est déployée au national. On l’a démarré dans les Bouches-du-Rhône, développé sur la région PACA et c’est remonté au niveau national en 2007.
Label Ecogîte : « deux grilles séparées, mais complémentaires »
TourMag : Aujourd’hui, on est en 2023, il a évolué, où en est la grille d’évaluation du label Ecogîte ?
Sylvie Pellegrin : La grille écogîte est très technique, on va regarder l’hébergement, les écogestes, le rapport à la biodiversité et l’environnement au sens large. Dans les grandes lignes, elle ne bouge pas, mais de fait, comme la technique évolue, la grille doit être revue.
Par exemple, en 2006, l’innovation, c’était les ampoules basses consommation, la chasse d’eau à double-flux et les robinets à économie d’eau. Aujourd’hui, on ne trouve que ça, plus personne n’utilise autre chose : la grille est devenue obsolète. On a ajouté de nouveaux matériaux, on a adapté en gardant la même philosophie et les mêmes catégories.
Le regard aussi a évolué, on se tourne plus sur l’environnement au sens large : où évolue le lieu ? S’il est dans un parc naturel, est-ce qu’il propose une découverte aux vacanciers ? En 2006, on était très axés sur la construction, mais on a évolué notamment depuis qu’on est gestionnaires de la marque Panda et on a élargi les critères de manière à mieux cibler.
Il y a une double grille : on va travailler sur la biodiversité pour certains, mais pour ceux, par exemple, qui sont en ville, c’est plus compliqué de coller à ces critères-là. Ils vont plutôt se concentrer sur le bâti. À l’inverse, certains vont avoir un bâti séculaire, voire classé, qu’ils ne peuvent pas toucher, mais ils sont dans un parc naturel, on va donc plutôt axer sur la biodiversité. C’est une double lecture : deux grilles séparées, mais complémentaires.
Gîtes de France Bouches-du-Rhône : des bornes électriques subventionnées pour 240 hébergeurs du réseau
TourMag : Aujourd’hui les Gîtes de France Bouches-du-Rhône lance un nouveau programme autour des bornes électriques pour les voitures ?
Sylvie Pellegrin : Oui, c’est le nouveau chantier des Bouches-du-Rhône. On sait qu’il va y avoir de plus en plus de voitures électriques. Mais, si, à Marseille, on peut recharger sa voiture sur n’importe quel parking de supermarché, c’est tout de suite plus compliqué dès qu’on s’éloigne des grandes villes.
La fédération régionale Gîtes de France reçoit l’aide financière du Conseil Régional de PACA dans le but d’installer des bornes électriques chez les propriétaires de la fédération. C’est une enveloppe mutualisée pour 2023-2024 sur les différents départements de la Région.
Concrètement, on a 240 hébergeurs du réseau, qui devront faire appel à un installateur agréé et qui recevront une aide directe. Dans les Bouches-du-Rhône, 16 bornes de rechargement subventionnées sont déjà installées, et 24 hébergeurs vont pouvoir en bénéficier. La présence ou non d’une borne électrique est déjà dans nos critères de recherche sur le site.
Nous diffusons l’information dans toute la fédération, mais il s’agit d’un dispositif développé avec le Conseil Régional, qui fait partie des subventions allouées à la maitrise de l’énergie, aux autres Régions de voir ce qui existe en local. Mais on sensibilise, parce qu’il y aura de plus en plus de voitures électriques. Il faut prendre en compte que 90 % de nos gîtes sont en territoire rural et qu’ils doivent fournir le plus de services possibles aux vacanciers.
TourMag : Quid de la mobilité douce ? Est-ce que les propriétaires incitent leurs clients à utiliser le vélo, le train, le covoiturage… ?
Sylvie Pellegrin : Oui évidemment c’est important pour nous. Nous sommes en train d’élaborer une formation sur le slow tourisme. On se mobilise beaucoup par la formation et la sensibilisation. Nos agences départementales sont pour ça un excellent relai d’information.
Sur le vélo, si un propriétaire voit que des vacanciers ont des vélos il doit pouvoir leur proposer des chemins, des alternatives… De plus en plus d’entre eux sont sur des parcours vélo, ou sont labellisés accueil vélo…
Mais, en effet, cela se passe une fois que les vacanciers sont arrivés, les propriétaires ne suggèrent rien en amont. Par contre, on communique beaucoup sur les réseaux sociaux, on les sensibilise sur la mobilité douce via internet tout simplement parce que 75 % de notre clientèle achètent son séjour sur internet.
Tourisme & Handicap : « un hébergement ne doit pas être accessible, mais vraiment labellisé »
TourMag : Pour finir, j’aimerais qu’on se penche sur le volet social, et notamment la prise en compte du handicap, où en est la fédération Gîtes de France en la matière ?
Sylvie Pellegrin : C’est un sujet central pour nous, et ce, depuis les années 2000. Nous sommes d’ailleurs partenaires de Tourisme & Handicap, parce qu’on estime qu’un hébergement ne doit pas être simplement « accessible », mais vraiment labellisé. Ça permet d’offrir des vacances à des personnes qui ont du mal à partir.
Moi-même j’ai deux hébergements écogîtes labellisés Tourisme & Handicap et sur ces lieux, 70 % de ma clientèle vient pour ça. Pourquoi ? Parce que, d’après ce qu’ils me disent, ils trouvent très peu de logement adapté à leurs besoins. On a une clientèle qui va vraiment choisir son logement avant la localisation.
La fédération, accompagne ses membres, avec l’aide de techniciens Tourisme & Handicap, pour s’adapter aux 4 handicaps. Le plus complexe reste le handicap moteur, on ne demande pas par exemple à un logement en escalier de tout changer, mais celui qui est de plain-pied ou qui a au moins des pièces de vie, une chambre et une salle de bain en rez-de-chaussée, là, c’est possible et les personnes sont sensibilisées. Après évidemment chaque propriétaire est libre, mais la fédération pousse en ce sens.
Nos chargés de qualité et productions sont formés pour ça par Tourisme et Handicap, Gîte de France est au CA de l’association, nous avons des actions communes et les techniciens qui attribuent le label sont parfois en binôme avec les notres.
Pour nous la notion de « durable est une notion chapeau. La durabilité des vacances et des services, pour l’environnement et pour le bien-être des vacanciers, pour toutes et tous : le handicap est naturellement inclus dedans.
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