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Brune Poirson : faire passer Accor de la multinationale au multilocal

Interview de la Directrice du Développement Durable

Accor se positionne en leader pour une hôtellerie engagée. Au-delà des actions, quelle est la vision que défend Brune Poirson, ancienne Ministre de la transition écologique qui est aujourd'hui à la tête du développement durable du groupe ?


De Juliette Pic
Publié le mercredi, Oct 18
10/18/2023
Brune Poirson, Directrice Développement Durable du groupe Accor - DR : Bruno-Levy

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Il est rare de voir les cadres d’une multinationale vanter les mérites d’une économie autrement, moins verticale et plus ouverte. C’est pourtant l’exercice auquel s’est prêté Brune Poirson, Directrice Développement Durable du groupe Accor, lors de sa venue à Marseille pour le So Good Festival.

Le groupe étant partenaire du festival, Brune Poirson s’adressait aux entreprises présentes pour leur parler du rôle de l’entreprise, l’enjoignant à se réinventer.

Celle-ci doit, dit-elle, passer de l’international au local, changer ses indicateurs pour passer du quantitatif au qualitatif, en fléchant l’investissement autour de thématiques liées au développement durable sur un territoire, repenser sa gouvernance et revoir son rapport à l’État pour ne pas trop en attendre.

Est-ce une vraie volonté de changement, un fond de greenwashing, un peu des deux ? En tout cas, Brune Poirson a accepté de revenir avec nous sur sa vision d’une multinationale engagée.

« Montrer à l’État qu’on est prêt et qu’il peut réguler » (Brune Poirson)

TourMag : Vous évoquiez, lors de votre intervention à Marseille, du regard de défiance que l’entreprise et l’État se portent, que vouliez-vous dire ?

Brune Poirson : Non, en fait ce que je voulais dire c’est qu’une entreprise aujourd’hui doit changer son rapport à l’État. Jusque-là, il y a beaucoup eu un rapport de force autour de la régulation ou dérégulation. Aujourd’hui, il nous faut changer tout ça.

Pour accélérer l’action, on a besoin que l’État régule, mais on ne peut pas l’attendre. Il est important de créer des coalitions d’entreprises pour faire bouger les lignes d’abord, et ensuite demander à l’État de s’engager et de réguler.

TourMag : C’est la raison pour laquelle vous avez intégré la Sustainable Hospitality Alliance ? (organisation internationale qui fédère les groupes hôteliers autour du développement durable, ndlr)

Brune Poirson : Oui, pour montrer à l’État qu’on est prêt et qu’il peut réguler. En tant qu’entreprise leader, nous avons une responsabilité majeure pour accompagner la régulation internationale bien sûr, mais aussi au niveau européen, le green deal européen est un enjeu majeur pour l’entreprise en général et au niveau local notamment car on s’inscrit en local d’abord.

TourMag : Vous placez l’entreprise en amont de la décision de l’État. Mais parfois l’État demande et l’entreprise ne répond pas. Vous êtes bien placée pour connaître la loi anti-gaspi, or, vous-même n’êtes pas encore entièrement en conformité, vous parlez de votre action sur les plastiques à usage unique, mais c’est la loi qui l’interdit…

Brune Poirson : La loi anti gaspillage a été votée en 2020, mais donne jusqu’à 2040 pour que le respect soit partout. Nous n’avons pas vocation à tout mettre en œuvre tout de suite. Mais nous sommes au travail, et notamment avec nos fournisseurs. Nous avons décidé récemment de nous équiper de filtres pour arrêter les microplastiques dans les machines à laver.

Brune Poirson assume la politique zéro carbone

TourMag : Même question concernant le climat. La loi interdit désormais de parler de neutralité carbone, pourtant Accor met en avant sa politique zéro carbone, assumez-vous cette appellation ?

Brune Poirson : Nous sommes en total conformité. Une entreprise ne peux pas dire « nous serons neutre en 2050 » mais ce n’est pas ce que nous faisons. Accor se projette dans le global.

Notre objectif est de réduire un maximum nos émissions en préservant des puits de carbone, et en reliant climat et biodiversité systématiquement.

Mais quand on parle de zéro carbone, on s’inscrit dans la globalité, pour un environnement neutre et non pas pour une entreprise neutre.

J’assume entièrement ce terme et non nous n’en changerons pas.

Brune Poirson - DR : Groupe Accor

TourMag : Justement, parlons biodiversité, quelles actions Accor met en place en la matière ? Pourriez-vous nous donner des exemples parlants pour les professionnels qui nous lisent ?

Brune Poirson : Ce sont beaucoup de partenariats locaux. On estime qu’il y a un ancrage qu’il faut respecter. Par exemple à Marseille, plusieurs de nos hôtels sont en partenariats avec la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) pour accueillir des populations d’oiseaux migrateurs.

Nous nous intéressons aux puits de carbone et à la dimension émotionnelle aussi, à la beauté d’un lieu. C’est aussi ça, s’intéresser à la biodiversité c’est sauvegarder ce pourquoi on voyage, l’expérience qui va avec. On doit préserver ça.

En ce sens, on pourrait presque dire qu’Accor est une entreprise agricole, parce que tout vient de la nature. Notre métier c’est de fournir un lit propre et de quoi se laver : les draps, l’eau, la nourriture, on doit tenir compte des ressources utilisées.

« La vraie question est celle du besoin » (Brune Poirson)

TourMag : Et donc ça passe essentiellement par le local, pas par des choix du siège ?

Brune Poirson : Nous sommes présents sur 110 pays, chacun a ses impératifs. On supprime les bouteilles en plastique, mais une problématique se pose dans les pays où l’eau n’est pas potable : on propose des systèmes de filtration, mais parfois c’est plus compliqué.

La vraie question est celle du besoin : on peut changer nos brosses à dents en plastiques pour des brosses à dents en bambou, mais a-t-on réellement besoin d’une brosse à dent dans chaque chambre ?

Nous avons cette culture de dire oui à tout, et qu’il faut changer. Ça passe par la formation du personnel, pour expliquer et désamorcer la demande des clients. Mais globalement ils comprennent très bien.

TourMag : D’où le fait de proposer de passer de la multinational au multilocal ? ca n’est pas commun pour un groupe comme Accor !

Brune Poirson : Je ne veux pas jeter la multinationale, attention ! c’est efficace, on apporte une partie de notre influence sur les droits humains, nos standards, pour convaincre de se mettre en chemin avec nous, d’autant qu’Accor a les standards environnementaux les plus élevés du secteur.

Sur les droits humains : « on peut toujours mieux faire » (Brune Poirson)

TourMag : Pourtant en termes de droits humains, Accor a été pointé du doigt pour la création d’un complexe touristique en Indonésie en 2021, pour des raisons environnementales mais surtout d’expropriations et donc, de droits humains…

Brune Poirson : La décision ne nous revenais pas, c’est une décision de l’Etat qui a fait ses choix mais nous n’avons pas de responsabilité sur ce sujet.

TourMag : … Mais vous ne l’avez pas contestée…

Brune Poirson : On peut toujours mieux faire. L’Etat a pris cette décision mais oui on doit s’améliorer. Sur l’environnement et sur les droits humains nous avons une politique ambitieuse et engagée et on y travaille.

A lire aussi : Tourisme durable : Une notation des destinations !

« Donner du sens et respecter les pratiques et les cultures » (Brune Poirson)

TourMag : Pour revenir à l’affirmation du multilocal versus le multinational, même si vous ne remettez pas en cause cette dernière, qu’entendiez-vous par là ?

Brune Poirson : Le 20ème siècle était celui de la maximisation du profit financier. Une entreprise devait être efficace, pour rentabiliser. On ne prenait que très peu en compte l’aspect développement durable. On avait une organisation très standardisée, avec des calibres précis, même si c’est un peu caricatural de le présenter ainsi mais il y avait en tout cas une tendance à optimiser les coûts.

Aujourd’hui notre objectif c’est de donner du sens et de respecter les pratiques et les cultures, en devenant plus local, pour travailler sur les territoires et repenser les relations entre le siège et les hôtels.

L’organisation gloable en multinationale c’est important parce que c’est une marque de qualité qui attie, c’est notre force, mais nous devons laisser plus de place aux salariés et aux partenaires.

« On a besoin de se placer à l’échelle du collectif. Il faut repenser l’entreprise » (Brune Poirson)

TourMag : Plus de place, c’est à dire ? Plus d’horizontalité dans la prise de décisions ?

Brune Poirson : On ne peut pas régler les problèmes seuls, depuis le siège, on a besoin de se placer à l’échelle du collectif. Il faut repenser l’entreprise.

Nous faisons face à une série de problèmes plus graves que jamais, on a besoin de plusieurs cerveaux qui travaillent ensemble. L’intelligence collective, c’est majeur. Au sein d’Accor il y a une politique de diversité. On ne résoudra pas les problèmes en mettant en commun de gros QI mais plutôt en partageant des visions différentes.

TourMag : De manière générale, chez Accor comme ailleurs dans l’hôtellerie, on retrouve plutôt les mâles blancs à la tête et les femmes noires en bas de l’échelle, ils se croisent peu… Comment cette diversité peut-elle impacter les choix stratégiques ?

Brune Poirson : On accompagne les réfugiés, c’est une première étape d’insertion, avec un emploi, des horaires, un salaire. On forme des directeurs d’hôtels à les accueillir et les protéger. C’est une première étape vers l’émancipation. Il y a aussi un programme d’ascenseur social, on forme massivement, on ne recrute pas qu’au CV mais en prenant l’individu en compte, le potentiel à explorer. Il y a aussi une politique pour les personnes en situation de handicap, et de protection des minorités, de défense des droits LGBT+ par exemple. Notre approche, c’est de donner un avenir et une émancipation.

TourMag : Il y a diversité certes mais comment s’opère l’intelligence collective dont vous parliez et notamment sur les choix stratégiques ?

J’entends votre remarque sur les mâles blancs et c’est vrai en partie, mais on a aussi beaucoup diversifier nos recrutements. A la tête des hôtels, on retrouve beaucoup de locaux, et environ 35% de femmes. Notamment en Arabie Saoudite. Il y a une politique d’égalité salariale, avec des écarts peu significatifs. Le COMEX s’est diversifié en termes de nationalités, et donc de cultures, et ça change la nature des décisions.

« Se questionner sur les problèmes que l’entreprise génère » (Brune Poirson)

TourMag : Pour vous, quels seraient les choix stratégiques importants pour une plus grande prise en compte du développement durable ?

Brune Poirson : A l’heure actuelle, Accor ouvre un hôtel par jour. Globalement, l’entreprise du 21eme siècle doit se poser la question du besoin dont on parlait tout à l’heure, mais aussi se questionner sur les problèmes qu’elle génère. Récemment on a renoncé à la création d’un hôtel parce qu’il allait poser plus de problème qu’il n’allait en résoudre.

Là où on passait par une logique de quantité, on veut passer à une logique de qualité. On ne renonce par au premier indicateur, mais on mène des réflexions pour évoluer différemment, en intégrant, à côté de la performance économique, la performance sociale et environnementale.

D’où l’importance de collaborer. Y compris avec certains de nos concurrents, y compris dans des instances internationales. Ça n’est pas facile tous les jours mais c’est notre responsabilités. Accor est l’entreprise qui a le plus de critères environnementaux, nous nous devons d’avoir ce leadership.

A lire aussi : Dialogues du Tourisme Équitable d’ATES : save the date !

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