Rome ne s’est pas construite en un jour, le tourisme ne pivotera pas en quelques années.

Le chemin est long et la prise de conscience par les professionnels tout autant. Elle est même plus lente qu’espérée par Cathy Sahuc, la cofondatrice de Murmuration.

Alors que la start-up ne cesse de se développer et possède une belle image auprès des institutionnels du secteur, les acteurs privés sont eux plus réticents.

« Chez les gros noms de l’industrie, nous remarquons plutôt une volonté de vitrine, mais sans réelle envie de tout changer, ni d’agir.

A notre petit niveau, nous voulons faire bouger les choses, car si la demande vient du public, ils n’auront pas d’autre choix que de changer, » espère-t-elle.

La voix un peu lasse, mais pas résignée, celle qui fut directrice du programme aérospatial d’Atos, a décidé de changer de braquet, en mettant en ligne une nouvelle carte, sorte de « nutri-score » des pays à destination des voyageurs.

flockEO : un « nutri-score » du tourisme durable

Le site de BotC de Murmuration, flockEO met en ligne un planisphère pour sensibiliser le public sur l’état socio-économique et environnemental des destinations.

Au lieu de s’acharner sur des professionnels pas toujours réceptifs, la jeune pousse veut éduquer leurs clients, pour faire évoluer les mœurs et ébranler les certitudes du secteur.

Le Cheval de Troie est entré dans TourismeCity.

« Le but est de sensibiliser les voyageurs.

Nous voulions utiliser une partie de nos données pour le grand public. Le projet ne date pas d’aujourd’hui, il nous manquait juste l’indicateur, » explique Cathy Sahuc.

Pour élaborer ce classement et code couleur des destinations durables, les équipes ont créé l’indicateur TSDI, pour Tourism Sustainable Development Index ou l’Indice de développement durable du tourisme.

Elles se sont librement inspirées de l’Indice de Développement Durable (IDD) du professeur Jason Hickel.

Chaque pays reçoit une notation en fonction de différents critères socio-économiques, mais aussi et surtout environnementaux.

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De la qualité de l’air selon les saisons, à la qualité de l’eau, en passant par la politique forestière, sans oublier les émissions carbone liées à la consommation des États (Global Carbon Atlas) avec les directives gouvernementales mises  en place dans le cadre de l’Accord de Paris.

A cela s’ajoute des indices sociaux et économiques.

« L’idée est de faire prendre conscience que le tourisme est aussi un facteur permettant de préserver l’environnement, dans certains pays.

L’aspect social est important, » résume la cofondatrice de Murmuration.

C’est aussi tout l’enjeu de cette carte : faire prendre conscience que le tourisme peut être plus vertueux, mais aussi des responsabilités que nous avons en tant que voyageurs. L’engagement de Murmuration pour une industrie plus vertueuse est bien connu dans le secteur, mais attention, tourisme durable ne veut pas dire seulement local.

Il ne faut oublier que le voyage permet de lutter contre la paupérisation de bien des populations à travers le monde.

« Pendant le covid, certains pays ont vu le braconnage augmenter de 50%, tout comme la déforestation, en raison de l’arrêt de l’activité touristique.

Privées de cette manne financière, les populations locales se sont débrouillées pour survivre et ont puisé dans les ressources naturelles proches. Nous devons réduire nos voyages en avion, c’est une certitude, mais nous ne devons pas oublier ces populations, » analyse Cathy Sahuc.

Tourisme Durable et Ethique : l’indétrônable Costa Rica en tête

Ainsi plus 150 pays sont passés à la moulinette, ils ont tous obtenu une note comprise entre 1 et 10.

Tout en haut du classement et sans surprise, nous retrouvons le pays du tourisme durable : le Costa Rica. Il devance avec une note de 7,67 les Philippines (7,45) et le Panama (7,13). Une fois sorti du podium, l’indice chute à 4,38 pour l’Equateur.

La France occupe la 13e place avec 3,96. La qualité de l’air et de l’eau pénalise grandement le rang de la destination. La plus mauvaise note est accordée à Montserrat (0,06).

Suite à ce classement, les pays reçoivent une couleur distinctive et nous obtenons un joli planisphère bariolé.

La carte et l’initiative ne seront pas un one shot, ils sont amenés à évoluer.

« Nous voudrions ajouter d’autres indicateurs environnementaux, mais surtout nous allons descendre au niveau régional, pour ne pas être seulement au niveau d’un pays. Autant l’indice est au niveau national a un sens pour la France, mais aux USA, la différence est très importante entre le Texas et la Californie.

Nous voulons affiner le processus, » précise Cathy Sahuc.

Toutes les données sont issues des données spatiales collectées par Murmurations, quand celles socio-économiques, elles proviennent de base de données officielles, comme le Fonds Monétaire International, ou l’Organisation Mondial du Tourisme (OMT).

La carte est disponible sur flockEO, elle peut être aussi intégrée sur les plateformes des professionnels du tourisme.

Du moins ceux qui s’intéressent à la cause, comme nous le disions en introduction, les initiatives chez les historiques du secteur sont plutôt rares.

Tourisme Durable : « pour les pros ce n’est plus la peine de se remettre en question »

« Je discutais dernièrement avec un responsable de réseau qui me disait qu’il y avait peu de demandes dans les agences. Son objectif est de former les vendeurs, pour qu’ils puissent proposer aux clients.

Contrairement à ce qu’on se dit dans notre petite sphère, il y a finalement assez peu de monde sensibilisé, » déplore la responsable.

Et c’est pour pousser les agents et les pros à bouger que cette carte a été mise en ligne, afin de susciter la demande dans les points de vente.

Autant en 2020, tout le monde voulait saupoudrer ses brochures de tourisme durable, autant avec le retour du monde normal, ce voeu pieu a été remisé bien loin dans les priorités des dirigeants.

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« Ils ont tout oublié, ce n’est plus la peine de se remettre en question, maintenant que tout revient comme avant.

Ce n’est pas pour ça qu’il faut baisser les bras. Nous continuons notre bonhomme de chemin, » se montre combattante, la cofondatrice de Murmuration.

Loin de se laisser abattre, la start-up poursuit ses développements pour accompagner les institutionnels, mais aussi les acteurs privés du tourisme. Tout d’abord, l’entreprise veut créer des jumeaux numériques des territoires, en observant les activités touristiques, pour simuler l’impact du dérèglement climatique sur la résilience du tourisme dans ces lieux.

« Nous voulons aussi calculer la capacité de charge d’une destination, en calculant de façon scientifique des seuils de risque pour la végétation, sur la capacité de l’écosystème à accueillir un certain nombre de visiteurs.

Puis pour finir, nous travaillons sur le fait d’extraire les mesures pour obtenir des labels, pour permettre aux territoires de répondre à ces besoins, grâce à nos indicateurs, » conclut Cathy Sahuc.