En février 2018, le rapport Spinetta portant sur « l’avenir du Transport ferroviaire » pointait du doigt une gestion insatisfaisante du rail en France. Mais, ajoutait-il, le réseau français est dense et, mieux utilisé, pourrait grandement aider à décarboner la mobilité.
C’est un peu le même constat que faisait, un an avant, les fondateurs de Taxirail. « Nous avons un formidable héritage du XIXᵉ siècle, indique Régis Coat, directeur de projet Taxirail. Mais ces lignes sont laissées en désuétudes ou ne sont pas assez exploitées ».
Fort de ce constat, il part d’une feuille blanche et cherche une manière de les utiliser, avec pour ambition de devenir un des chaînons du report modal et simplifier l’intermodalité pour l’usager.
Il se donne trois impératifs : la praticité pour les usagers, la maîtrise des coûts pour les collectivités, et une exploitation décarbonée.
Légers, électriques : des trains à l’hydrogène
Afin de rendre le taxirail plus écologique, il a été pensé pour fonctionner à l’hydrogène.
Celui-ci est fournie par le territoire, qui décide de sa provenance. Charge à Taxirail de s’occuper de la maintenance de la station hydrogène – qui pourra par ailleurs être utilisée pour d’autres usages publics (bus, utilitaires…).
Aucune nouvelle infrastruture, Taxirail utiliserait des petites lignes existantes mais désertées, ou pourrait rentabiliser celles qui ne sont utilisées que pour le fret. Elles permettraient de relier ce qui n’est atteignable que par la route.
En se connectant à une gare TGV, souligne Régis Coat, Taxirail permettrait aussi d’ouvrir un territoire au monde en ayant recours à une mobilité moins carbonée. Électriques, légers et courts, ils participent aussi à réduire la pollution sonore.
Pour lui, l’usage du taxirail est écologique, mais il est aussi social : « passer par le rail c’est la possibilité d’un fort report modal de la voiture. C’est évidemment un enjeu écologique important mais c’est aussi un enjeu social, parce qu’il y a le prix du carburant, celui de la voiture, de son entretien, son assurance… »
Taxirail pour désenclaver les territoires
Et c’est vrai que pour beaucoup, en vacances comme en entreprise, le recours à la voiture reste nécessaire, notamment dans les zones rurales ou périurbaines.
« Décloisonner les territoires, c’est essentiel, martèle Régis Coat. Il serait inacceptable qu’il y ait des citoyens de seconde zone, qui n’ont pas accès à des transports en communs partout. Nous voulons faciliter les déplacements, les rendre pratiques et simples pour tous ».
Pour tous, ce sont les habitantes et les habitants certes, mais aussi les touristes. Un territoire difficile d’accès, c’est un territoire parcouru en voiture. C’est le cas par exemple de la Bretagne. La région offre relativement peu de choix pour qui veut éviter la voiture, et quand il y a trop peu de transports en commun, visiter un site prend la journée.
Rouvrir des petites lignes, ou installer un taxirail sur des voies qui ne sont utilisées que pour le fret, c’est une manière d’amener les touristes à changer de pratiques. Mais c’est aussi un moyen de désengorger certains lieux en ouvrant vers des zones moins fréquentées.


La mobilité douce pour faire vivre l’emploi en local
Pour lui, Taxirail s’intègre dans une politique écologique, sociale et économique : « Nous voulons passer dans les zones rurales qui n’arrivent pas à embaucher justement parce qu’elles sont peu accessibles. Ça fait partie du développement d’un territoire, de sa résilience ».
Et de citer le secteur de la restauration : « dans un restaurant, quand on termine à 2h du matin, comment on fait ? Un large pourcentage des saisonniers n’est pas motorisé » souligne-t-il.
La logique de l’emploi, c’est aussi, de l’autre côté, aider des personnes éloignées de l’emploi à se rendre à son entretien.
C’est aussi, ajoute Régis Coat, l’embauche sur le territoire. En s’installant dans une zone, Taxirail installe aussi une zone de maintenance des véhicules, du personnel dans des gares jusque-là inutilisées, des équipes d’intervention en cas de problème sur les rails…
Participer au financement de Taxirail ?
L’ADEME et des aides publiques ont aidé au financement du projet, mais désormais, Taxirail a besoin d’aller plus loin, et cherche des investisseurs.
« Nous cherchons des financements privés pour sortir notre prototype » explique Régis Coat, qui ne se ferme pas aux acteurs de la mobilité ou de l’environnement. L’entrepreneur évalue à 2 millions € le besoin pour les premiers tests.
S’ils sont positifs, les premiers déploiements pourront se faire dès 2026. « En France, il y a un potentiel de 200 à 300 lignes, dont 70 environs sont particulièrement pertinentes. On en vise 20 pour commencer. Mais le développement est plus large : on est sur un marché a minima européen ».
La communauté d’agglomération Caux Seine Agglo est partenaire du projet et laisse à Taxirail une voie d’essai à Port-Jérôme-sur-Seine, sur une ligne exploitée actuellement en fret.
Elle pourrait générer un fort trafic puisqu’elle passe près d’une zone d’activité économique qui pourrait drainer quelque 7000 personnes par jour.
Entre Rouen et Le Havre, à deux pas de Deauville, Honfleur ou Étretat, à un jet de pierre de Paris, cette zone pourrait bien être aussi un excellent test touristique, dans une région particulièrement attirante.
Un bon test pour mettre le projet sur des rails !
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